Il a été fréquent parmi nous d’utiliser un langage inapproprié pour parler de sainteté : “nous devons être saints”, “nous devons être saints”, “nous devons tendre vers la sainteté”. Ces phrases et d’autres mettent en évidence l’effort moral nécessaire pour atteindre cet objectif. Au fond, nous n’avons pas encore surmonté le semi-pélagianisme dont nous avons hérité depuis de nombreux siècles. Le thème de la sainteté est bien posé, quand on comprend vraiment pourquoi on parle en ces termes. La sainteté est une grâce, pas une conquête. La sainteté est joie et exultation… c’est une “nouvelle normalité” après avoir cherché le bonheur là où il n’est pas. “Un saint triste… est un saint triste.” Aujourd’hui, nous célébrons la fête de tous ceux qui ont atteint une plénitude heureuse.
“La montagne cosmique”
Le but de la religion biblique est de surmonter la séparation entre Dieu et les humains, le sacré et le profane. Le fossé entre le ciel et la terre est comblé dans la Bible par la descente de Dieu du ciel vers la terre. Et cela se passe au sommet d’une montagne, symbolisant la rencontre entre le ciel et la terre.
La “montagne cosmique” est l’espace des théophanies : le mont Sinaï (Ex 19, 16-19) est devenu une montagne sainte, séparée, délimitée par des clôtures autour d’elle (Ex 19, 23) ; là se trouvait le tabernacle sacerdotal (Ex 25-31), d’où Dieu transmettait la sainteté par les prêtres qui accomplissaient les rituels sacramentels.
Depuis la montagne des Béatitudes, Jésus a montré le grand chemin pour se relier à la sainteté de Dieu : les Béatitudes
“Je les mènerai sur des chemins qui ignorent”
Le “errant” est une personne qui ne trouve pas son logement, qui ne sait pas où aller, qui fait un voyage “vers nulle part”.
Expulsés du Paradis, Adam et Eve deviennent des “êtres errants” ; Caïn aussi, après le meurtre de son frère Abel. Le peuple d’Israël a erré dans le désert pendant 40 ans. Le prophète Michée – devant le roi Achab et ses 400 prophètes – s’est exclamé
“J’ai vu tout Israël errer dans les montagnes comme des moutons sans berger. Et le Seigneur dit : “Ceux-là n’ont pas de maître” (1 Rois 22:17).
Le prophète Jérémie a également noté que
“le prophète et le prêtre errent tous deux sans but dans le pays” (Jr 14, 18)
Jésus a comparé son peuple à des “brebis errantes” sans berger et même plus que quelques-uns à des “brebis perdues”.
De la même manière, nous trouvons aujourd’hui de nombreuses personnes qui errent, perdues, sans abri, sans domicile : des personnes qui naviguent sans direction, sans leadership authentique, des communautés qui ne sont pas des communautés mais des groupes de personnes qui sont dispersées, perdues, des personnes qui survivent, subsistent, mais ne trouvent pas le sens de la vie, qui ne savent pas où aller.
Et cela se passe aussi dans l’Église, dans le mariage, dans la vie consacrée, dans la vie laïque, même si cela semble incroyable. Nous sommes des disciples du Bon Pasteur, mais malgré tout, il y a des personnes, des communautés, des institutions qui vivent de la répétition de la même chose, qui ont renoncé au chemin, à la route, et ne vivent que de la routine : du ritualisme, du “ça a toujours été fait comme ça, pourquoi changer”, du fixisme spirituel et par conséquent d’une paralysie spirituelle progressive. Il est perdu celui qui ne bouge pas, qui vit de la même chose, qui renonce à se transcender, qui marche sans but : cette personne est le juif errant, le chrétien errant, l’homme ou la femme consacré.
Le chemin de la joie – Les Béatitudes
Jésus a joint la sainteté aux Béatitudes (cf. Mt 5, 3-12 ; Lc 6, 20-23). Jésus est l’incarnation du prophète Mebasser (le prophète de la joyeuse nouvelle) qui a annoncé le deutéro- et trito-Isaiah (Is 40 ; 52 ; 61). C’est pourquoi il montre dans ses béatitudes les traits de la sainteté du Royaume de Dieu. Le plus grand malheur et la plus grande tristesse est de ne pas entrer dans le royaume des béatitudes.
Le philosophe Bergson a dit que “la nature nous avertit par un signe précis de ce qu’est le destin attendu : ce signe est la joie. Le pape François nous dit que les béatitudes sont “comme la carte d’identité du chrétien”[2]. 2] En eux est dessiné le visage du Maître, que nous sommes appelés à rendre transparent dans le quotidien de notre vie (GEx, 63). C’est en cela que consiste le vrai bonheur.
Sainteté : les Béatitudes
“Nous ne pouvons les vivre que si le Saint-Esprit nous envahit de toute sa puissance et nous libère de la faiblesse de l’égoïsme, du confort, de l’orgueil” Pape François, Gaudete et exultate, 65.
Les Béatitudes nous interpellent et nous appellent à un véritable changement de vie.
- La richesse est l’être humain qui met toute sa sécurité dans sa richesse et quand celle-ci échoue, il s’effondre. Heureux celui qui est riche, comme Jésus devient pauvre. Être pauvre de cœur, c’est la sainteté.
- Réagir avec une humble douceur, c’est la sainteté.
- Savoir pleurer avec les autres, c’est la sainteté
- Chercher la justice avec la faim et la soif, c’est la sainteté
- Garder le cœur propre de toutes les taches d’amour, c’est la sainteté.
- Semer la paix autour, c’est la sainteté.
- Accepter chaque jour la voie de l’Evangile, même si elle nous apporte des problèmes, c’est la sainteté.
La sainteté qui plaît à Dieu se résume à ces mots :
“Car j’avais faim et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, j’étais nu et vous m’avez vêtu, j’étais malade et vous m’avez visité, j’étais en prison et vous êtes venus à moi” (Mt 25, 35-36).
“La force du témoignage des saints est de vivre les béatitudes et le protocole du jugement final. Ce sont peu de mots, simples, mais pratiques et valables pour tous”, Pape François, Gaudete et exultate, 109.
[1] Bergson, L’Énergie spirituelle, Petite bibliothèque Payot, p. 52.
[2] GEx, 63.
Pour contempler
LA SAINTETÉ (Jean Nepo Nimwizere)
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